La 18ème chambre de la Cour d’appel de Mons a rendu, ce 20 janvier 2016, un arrêt dans le contentieux des taxes communales sur les écrits publicitaires dits « toutes boîtes » qui retient particulièrement l’attention en tant qu’elle se prononce sur le grief pris du défaut de motivation d’un règlement-taxe au regard des articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Le règlement-taxe communal en cause avait repris le modèle préconisé par le Ministre des Affaires intérieures de la Région wallonne. Il prévoyait différents taux en fonction du poids des écrits publicitaires et un taux particulier (inférieur) pour les écrits émanant de la « presse régionale gratuite ». Son préambule visait « la situation financière » de la commune. Le redevable alléguait que cette seule mention ne permettait pas de justifier le règlement-taxe au regard du principe d’égalité et de non-discrimination.
La Cour d’appel de Mons retient qu’il se déduit du dossier administratif qu’en adoptant le règlement-taxe, la commune a entendu faire siennes les considérations émises par l’autorité de tutelle au sujet de cette taxe. La Cour fonde cette appréciation sur les circulaires adoptées par le Ministre des Affaires intérieures et le modèle de règlement-taxe figurant sur le site de la Direction générale des Pouvoirs locaux, tout en soulignant que le règlement-taxe litigieux correspond, en tous points, au modèle préconisé par le Ministre dans ses circulaires. Il épingle plus spécialement que la circulaire budgétaire s’adresse notamment aux bourgmestres et aux conseillers communaux. La Cour d’appel rappelle également qu’un règlement-taxe n’est pas un acte individuel soumis à l’obligation de motivation de sorte que sa motivation n’est pas à rechercher seulement dans son texte même.
La Cour d’appel de Mons en conclut que les circulaires publiées au Moniteur belge font bien partie du dossier administratif constitué préalablement à la rédaction et à l’adoption, par conséquent, du règlement-taxe et que même si le règlement-taxe ne les vise pas, la commune y a bien eu égard. Fort opportunément, la Cour d’appel rappelle également que la Cour de cassation n’exige pas que le but poursuivi par le règlement-taxe se justifie, nécessairement, dans les seules pièces qui auraient été mises à disposition des conseillers communaux en vue de la réunion du Conseil communal lors de laquelle a été adopté le règlement-taxe pour pouvoir justifier les motivations du règlement ou encore défendre la légalité de celui-ci au regard du principe d’égalité dans le cadre d’un litige. L’arrêt rappelle encore les dispositions du CWADEL et le droit, pour chaque conseiller communal, d’exercer son mandat comme il l’entend et de s’exprimer ou de ne pas s’exprimer lors d’une réunion du Conseil communal.
Quant au bien fondé de la justification de la différence de traitement, pour les même motifs d’ailleurs que l’avait jugé le Conseil d’Etat à l’occasion de nombreux arrêts, la Cour d’appel considère que le critère de différenciation du taux appliqué entre les écrits publicitaires non adressés et ceux émanant de la presse régionale gratuite est bien admissible vu le but accessoire poursuivi de compenser les frais qu’occasionne pour les finances publiques de la commune l’intervention des services de la propreté publique et de l’environnement, que les écrits publicitaires « toutes boîtes » représentent une catégorie objectivement différente des journaux à vocation d’information, comme la presse quotidienne ou mensuelle d’information, car distribués gratuitement sans que les destinataires n’en fassent la demande et parce qu’ils présentent un caractère, par nature, éphémère. Il en est conclu qu’une telle diffusion d’écrits publicitaires « toutes boîtes » est de nature à provoquer une grande production de déchets sous forme de papier liée à la circonstance que les destinataires des écrits ne sont pas demandeurs.
Cet arrêt du 20 janvier 2016 rejette également les autres griefs invoqués en lien avec la prétendue illégalité du règlement-taxe dont notamment l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le Pacte relatif aux droits civils et politiques ou encore les dispositions du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne consacrant les principes de libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux.
Le 5 février 2016