28 juin 2019

Civ. Bruxelles (34e ch.), 28 juin 2019 – taxe communale sur les lieux de prostitution en vitrine – motivation et principe d’égalité

Le jugement du Tribunal de première instance de Bruxelles du 28 juin 2019 ci-joint se prononce sur la question du respect du principe d’égalité et de non-discrimination par un règlement-taxe communal, en lien avec celle de sa motivation formelle.

Les redevables se prétendaient discriminées par rapport à d’autres activités tels night shops, cafés, restaurants qui n’ont pas à supporter la même taxe.

A ce sujet, le jugement rappelle d’abord qu’un règlement-taxe échappe à une quelconque obligation de motivation formelle et que la référence aux besoins financiers d’une commune constitue, a priori, la référence suffisante compte tenu du pouvoir taxateur de la commune. Le Tribunal souligne : « l’absence de motivation interne du règlement-taxe quant aux éventuels objectifs secondaires non fiscaux poursuivis par ce dernier ne permet donc pas de critiquer l’usage fait par une commune de son autonomie fiscale ».

Ensuite, après avoir rappelé le contenu du principe d’égalité et de non-discrimination, le jugement fait valoir que le contrôle s’effectue, en règle, selon une méthodologie et des critères empruntés à la Cour constitutionnelle : la comparabilité des situations entre lesquelles une discrimination est dénoncée, le caractère objectif de la distinction, le caractère raisonnablement justifié de la distinction faite tenant compte du but poursuivi, et enfin la proportionnalité de la mesure en cause au regard du but visé.

Citant la jurisprudence de la Cour de cassation, le jugement expose que l’exigence d’une justification objective et raisonnable n’implique pas que l’autorité publique qui opère une distinction dans la définition de l’assiette d’une taxe ou dans les règles de perception doive fonder celle-ci sur des constatations et des faits devant être prouvés concrètement devant le juge ni apporter la preuve que la distinction ou l’absence de distinction aura nécessairement des effets déterminés. Il suffit qu’il existe ou puisse exister une justification objective pour ces différentes catégories.

A cet égard, le Tribunal considère que contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, l’on ne pourrait conclure à la violation du principe d’égalité pour le seul motif que la justification raisonnable de la différence de traitement en cause ne ressort pas immédiatement du règlement-taxe ou du dossier administratif, entendu comme les travaux préparatoires, ayant mené à son approbation.

Le jugement fait valoir dans ce sens qu’il n’y a aucune base légale qui impose à une commune de motiver a priori ses règlements-taxes au regard des principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination. « L’article 159 de la Constitution, qui impose aux cours et tribunaux de n’appliquer que les règlements-taxes conformes aux lois, n’introduit aucune obligation de motivation a priori des différences de traitement établies par les règlements-taxes. Lorsqu’il examine la constitutionnalité d’un règlement, le juge n’est pas limité à l’examen des travaux préparatoires de celui-ci, mais il examine la situation objective que les dispositions légales créent et il répond aux arguments soulevés par les parties. »

Le jugement relève que c’est d’ailleurs comme cela que fonctionne la Cour constitutionnelle lorsqu’il s’agit de vérifier la constitutionnalité d’une loi, et qu’il n’y a aucune raison qui pourrait justifier que le contrôle constitutionnel d’égalité s’applique différemment au législateur communal, et ce, d’autant plus qu’il ne peut être exigé des pouvoirs locaux qu’ils s’astreignent systématiquement à la rédaction de travaux préparatoires ou encore à l’élaboration d’un dossier qui permettrait de justifier tous les choix opérés dans le cadre d’une politique fiscale déterminée.

Dans ce cadre, le Tribunal relève qu’il appartient au redevable, qui invoque la violation des principes d’égalité et de non-discrimination, d’établir qu’il existerait des situations comparables, au niveau de la base imposable, qui n’auraient pas été prises en compte par le conseil communal lors de l’adoption du règlement-taxe et que cette différence est manifestement déraisonnable.

Et le Tribunal de conclure en constatant que les demanderesses omettaient dans leur raisonnement l’étape essentielle qui consiste dans le test de comparabilité. A défaut de rapporter la preuve que les situations invoquées sont objectivement comparables, le moyen doit être rejeté.

 

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