Par son arrêt du 22 septembre 2022, saisie d’un pourvoi introduit par la Ville de Charleroi, la Cour de cassation a cassé l’arrêt prononcé le 12 juin 2019 par la Cour d’appel de Mons.
La Cour d’appel de Mons avait jugé, en présence d’une taxe portant sur les pylônes ou les mâts, installés sur le territoire de la Ville, affectés à un système global de communication mobile (GSM) ou à tout autre système d’émission ou de réception de signaux de communication, qu’à défaut de précision sur les catégories de pylônes devant supporter la taxe (et notamment, en l’absence de définition du concept de « pylône affecté à tout autre système d’émission et/ou de réception de signaux de communication »), l’objet imposable ne pouvait être déterminé à suffisance, ce qui était de nature, selon elle, à engendrer une insécurité juridique.
Dans son arrêt du 22 septembre 2022, la Cour de cassation relève que, dans la mesure où l’arrêt attaqué fonde en partie sa décision sur ce que les catégories de pylônes taxés ne sont pas déterminées à suffisance, il viole l’article 1er du règlement-taxe, lequel permet de déterminer, conformément à la formule qu’il consacre, quels sont les pylônes ou mâts « d’émission et/ou de réception de signaux de communication » qu’il a entendu imposer indépendamment de pylônes GSM.
La Cour de cassation observe que si cet article ne donne pas de définition d’un système d’émission ou de réception de signaux de communication autre qu’un système global de communication mobile, il précise toutefois qu’il doit s’agir de réseaux de communication fonctionnant grâce à des antennes sur des pylônes ou mâts en site propre, ce qui suffit à déterminer le champ d’application du règlement-taxe.
La Cour d’appel de Mons avait également considéré, dans l’arrêt attaqué, que le règlement-taxe écartait de son champ d’application, sans justification acceptable, des mâts et pylônes pourtant comparables, selon elle, à savoir les mâts ou pylônes qui ne sont pas destinés à l’émission ou la réception de signaux de communication comme, à titre exemplatif, des pylônes de lignes à haute tension, des pylônes destinées à accueillir des enseignes lumineuses publicitaires, des éoliennes ou des pylônes d’éclairage.
Selon la Cour d’appel de Mons, les autres motifs accessoires figurant dans le règlement-taxe ne permettaient pas de justifier la différence de traitement opérée.
Dans son arrêt du 22 septembre 2022, la Cour de cassation a rappelé la portée de l’exigence de justification objective et raisonnable au regard des articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
La Cour de cassation souligne que l’exigence de justification objective et raisonnable n’implique pas que l’autorité publique qui opère une distinction entre des catégories de contribuables comparables doive apporter la preuve que la distinction ou l’absence de distinction aurait nécessairement des effets déterminés. Il suffit qu’il apparaisse qu’existe ou que peut exister une justification objective et raisonnable à la distinction faite entre ces différentes catégories.
La Cour de cassation souligne que l’arrêt attaqué rejette les justifications ressortant du préambule du règlement-taxe au motif que la nocivité des ondes n’est pas établie et qu’il n’est pas démontré que les autres types de pylônes ou mâts auraient un impact moindre sur l’environnement ou sur une éventuelle moins-value immobilière.
La Cour de cassation relève également que l’arrêt attaqué ajoute, sans avoir égard au fait que seules les installations de pylônes ou mâts en site propre sont visées par le règlement, que le volonté de limiter la prolifération des pylônes G.S.M. ou de favoriser leurs installations sur des supports existants ne justifie pas que l’implantation d’autres installations puisse échapper à la taxe.
La Cour de cassation en conclut qu’en refusant de s’en remettre à l’apparence raisonnable de justification résultant du règlement-taxe et en se substituant ainsi au pouvoir communal dans l’appréciation des catégories de contribuables à taxer, la Cour d’appel de Mons avait violé les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Nathalie Fortemps et Olivier Vanleemputten