Dans un arrêt de ce 20 octobre 2022 prononcé sur une demande de suspension d’extrême urgence, le Conseil d’État a rappelé la portée du principe général d’impartialité, s’imposant aux différents stades d’une procédure administrative visant à l’adoption d’une décision relative à un agent. Le Conseil d’État a rappelé qu’il appartient à la personne chargée de l’instruction du dossier de ne pas agir avec un parti pris de nature à compromettre l’objectivité de son rapport et plus généralement de veiller à ne pas dégager une impression de partialité. A cet effet, il lui revient notamment d’instruire les faits dont elle s’est saisie à charge et à décharge, d’autant que le principe de présomption d’innocence et le respect des droits de la défense soutiennent la même obligation.
Dans cette affaire mettant en cause un enseignant sur le plan disciplinaire, le rapport du directeur général contenait essentiellement des extraits anonymisés de courriels de parents se plaignant du comportement du requérant.
Le Conseil d’État relève que de la manière dont ces témoignages accablant tous le requérant ont été recueillis, il n’apparait pas, prima facie, que ce rapport a bien été établi dans le respect du principe d’impartialité. Ceci découle, selon le Conseil d’État, de plusieurs constats :
- il ressort tout d’abord clairement de la formulation de certains d’entre eux qu’ils ont été sollicités ; les termes de ces témoignages laissent penser que des témoignages négatifs, donc exclusivement à charge, étaient recherchés en vue de construire un dossier disciplinaire ;
- en outre, tous les témoignages ont été adressés au directeur général entre septembre et octobre 2021, dont quatre l’ont été le 21 septembre entre 14h16 et 15h25, et trois le 27 octobre, alors qu’ils ne relatent pas un ou des faits venant de se produire mais portent sur une appréciation négative de l’enseignement et du comportement du requérant ou témoignent d’événements prétendument intervenus dans un passé plus ou moins lointain ;
- de plus, il ressort de messages envoyés par une maman d’élève que les parents d’élèves ont été incités à formuler des plaintes auprès du directeur général, ces messages indiquant aussi que « seules les plaintes individuelles reçues en nombre pourront y changer quelque chose apparemment… donc n’hésitez pas».
Le Conseil d’État observe qu’à cet égard, non seulement le directeur général s’est abstenu de mener sa propre enquête pour obtenir le cas échéant des éléments à décharge, n’ayant notamment pas entendu le requérant avant la rédaction de son rapport, mais en outre, il s’est approprié le contenu de ces témoignages, exclusivement à charge et dont il ne pouvait pas ne pas s’apercevoir qu’ils n’étaient pas spontanés, pour conclure que « les faits sont avérés » et donner à l’autorité disciplinaire une image particulièrement négative du requérant dans son rapport.
Le Conseil d’État souligne que le rapport disciplinaire, établi sans respecter le principe d’impartialité, a eu une influence déterminante sur la sanction infligée au requérant. La motivation de la décision du 8 février 2022 d’infliger la peine de la démission disciplinaire au requérant se fonde en effet de manière déterminante sur les témoignages figurant dans le rapport et en déduit, comme ce dernier, que les faits reprochés sont avérés.
Le rapport a également exercé une influence déterminante sur l’acte attaqué, étant la décision prise par le conseil communal après recours auprès de la chambre de recours. En effet, la chambre de recours a estimé que les faits autres que ceux des retards et des défauts de surveillance n’étaient pas suffisamment étayés par les témoignages et considéré en conséquence qu’une sanction disciplinaire de mise en disponibilité par mesure disciplinaire serait plus proportionnée que celle de la démission d’office. Le Conseil d’État relève qu’à la suite de cet avis, la partie adverse « se rallie à l’avis de la chambre de recours quant aux faits à tenir pour établis » et ne retient donc formellement plus que les retards et les défauts de surveillance comme faits disciplinaires, mais maintient en revanche la même sanction que celle initialement infligée et s’écarte ainsi de l’avis de la chambre de recours sans s’en expliquer, se bornant à indiquer que « la chambre de recours n’indique pas en quoi la démission disciplinaire constituerait une sanction disproportionnée ».
Le troisième moyen de la requête est ainsi jugé sérieux. L’extrême urgence à statuer est également jugée établie, eu égard à la situation financière du requérant.