L’exception in house, consacrée à l’article 12 de la directive 2014/24, permet à un pouvoir adjudicateur d’attribuer un marché public sans mise en concurrence. Les conditions pour y recourir sont (1) que le pouvoir adjudicateur exerce sur l’adjudicataire un contrôle analogue à celui dont il dispose sur ses propres activités, (2) que plus de 80% des activités de l’adjudicataire soient réalisées au profit du pouvoir adjudicateur, et (3) que l’adjudicataire ne comporte pas de participation directe de capitaux privés.
De jurisprudence constante, la Cour de justice considère que le contrôle analogue peut être exercé conjointement par plusieurs pouvoirs adjudicateurs pour autant qu’ils soient représentés dans les organes décisionnels de l’entité contrôlée, et qu’ils puissent exercer conjointement une influence décisive sur les décisions importantes de cette entité.
Par un arrêt rendu le 12 mai 2022 (C-719/20), la Cour de justice de l’Union européenne a apporté d’importantes précisions quant aux conséquences de la disparition des conditions du contrôle in house.
Les faits
Un marché relatif à la gestion de déchets urbains avait été attribué en 2005 sans mise en concurrence par la commune italienne de Lerici. L’adjudicataire était la société ACAM, dont l’actionnariat était détenu exclusivement par des communes, en ce compris Lerici. Ces dernières exerçaient ainsi, de manière conjointe, un contrôle analogue au sens de l’article 12 de la directive 2014/24. ACAM a été rachetée par la société IREN en 2017, au sein de laquelle les communes ont obtenu une part correspondante d’actions. La commune de Lerici étant opposée à ce regroupement, elle a simplement cédé ses parts.
A la suite de cette opération de regroupement, la province de La Spezia, désormais compétente en la matière, a confirmé que la gestion des déchets sur le territoire de la commune de Lerici était confiée à la société IREN et, à travers celle-ci, à sa filiale ACAM. La commune de Lerici, considérant que les conditions pour se prévaloir de l’exception in house n’étaient plus remplies, a introduit une action à l’encontre de cette décision.
La décision de la Cour
La Cour analyse la présente affaire sous deux angles différents. Elle note d’abord que, si la décision de la province de La Spezia devait être interprétée comme constituant l’attribution d’un nouveau marché, la province ne dispose d’aucun contrôle analogue sur la société ACAM au sens de l’article 12 de la directive 2014/24, de sorte qu’elle devait organiser une procédure de passation avec mise en concurrence.
La Cour estime ensuite que la directive s’oppose à ce qu’un marché ayant fait l’objet d’une attribution in house, et donc sans mise en concurrence, soit automatiquement poursuivi lorsque le pouvoir adjudicateur n’exerce plus aucun contrôle sur l’adjudicataire. En effet, il faut alors considérer que le pouvoir adjudicateur n’a plus recours à ses propres moyens pour exécuter le marché.
En l’espèce, la Cour constate que la commune de Lerici ne disposait, à la date de la décision litigieuse, d’aucune participation au sein d’IREN. Elle n’était pas non plus représentée au sein des organes décisionnels de la société, et n’exerçait donc aucune influence sur ses décisions importantes. Dans ce contexte, la Cour considère qu’une nouvelle procédure de passation avec mise en concurrence devait être organisée.
La Cour précise enfin que cette hypothèse doit être distinguée de celle, prévue par l’article 72 de la directive, selon laquelle une nouvelle procédure de passation doit être organisée lorsque le marché fait l’objet d’une modification substantielle au cours de son exécution. En effet, l’article 72 ne s’applique que lorsque le marché initial a été attribué via une procédure de passation avec mise en concurrence.
Victor Davain