Suite à la présentation par Brussels Expo d’un projet dit « Madeleine/Théâtre américain/Cirque » le 25 septembre 2014, le Collège communal de la Ville de Bruxelles avait décidé le 6 novembre 2014 d’approuver le principe de conclure à partir du 1er juillet 2017 une nouvelle convention d’exploitation avec Brussels Expo pour le Cirque Royal. Il avait de même autorisé la Régie Foncière à mettre fin à la convention de concession en cours conclue avec Le Botanique pour le 30 juin 2017. Au vu du recours en annulation introduit au Conseil d’Etat par Le Botanique contre cette décision d’attribution, la Ville de Bruxelles avait retiré sa décision de conclure avec Brussels Expo et décidé, le 27 juin 2016, de lancer une procédure de désignation d’un nouveau concessionnaire. Deux offres avaient été remises. L’une par Brussels Expo, l’autre, par Le Botanique et l’Antwerps Sportpaleis en association
Le 21 novembre 2016, le Conseil communal de la Ville de Bruxelles, en comité secret, avait décidé d’attribuer la concession de service pour l’exploitation du Cirque Royal à Brussels Expo pour une période de 27 ans. La convention avait été conclue le soir même de la réunion du Conseil communal. Si la convention relève bien de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 qui établit les règles applicables aux procédures de passation des contrats de concession, la loi belge n’avait pas encore transposé les dispositions de cette directive au moment du lancement de l’attribution de la concession à Brussels Expo.
Par un arrêt rendu le 29 juin 2017, la 2e chambre de la Cour d’appel de Bruxelles a suspendu l’exécution de la convention de concession. Cet arrêt aborde plusieurs questions importantes de l’interprétation conforme du droit interne au droit européen spécialement lorsque le délai de transposition d’une directive est dépassé.
Au terme d’une motivation particulièrement fouillée, la Cour d’appel de Bruxelles retient qu’une interprétation conforme du droit belge à la directive 89/665/CE, dite « directive recours » telle que modifiée par la directive 2014/23/UE, peut aboutir à la privation d’effets d’un contrat et en tout état de cause à son annulation par le Juge du fond si ce contrat viole des dispositions relevant de l’ordre public, ce qui justifie également l’action devant le Juge des référés destinée à donner un effet utile aux recours dont dispose le concessionnaire illégalement évincé.
La Cour considère que le premier moyen invoqué par Le Botanique et le Sportpaleis relatif au conflit d’intérêts justifie la suspension du contrat.
La Cour d’appel constate que le Bourgmestre de la Ville de Bruxelles et trois autres conseillers communaux de la Ville (en leur qualité de membres du Conseil d’administration d’une autre A.S.B.L., l’A.S.B.L. F.I.B.) sont – ou étaient – membres de Brussels Expo tandis que l’échevin du tourisme était administrateur et président du Conseil d’administration de l’A.S.B.L. depuis 2014. Pour la Cour, la présence aux réunions de personnes mandataires bruxelloises liées à Brussels Expo (dont en particulier le président du Conseil d’administration de celle-ci) et la possible partialité de ses membres ont pu influencer la décision de l’ensemble du Conseil communal et/ou du Collège. La Cour relève également qu’à l’occasion des discussions qui ont eu lieu lors de la séance du Conseil communal des 27 juin 2016 et 21 novembre 2016 plusieurs conseillers communaux ont posé des questions sur le choix des critères et sur les garanties que ceux-ci ne soient pas de nature à favoriser Brussels Expo déjà été retenue par le Collège suite à un accord de principe donné le 25 septembre 2014 pour exploiter le Cirque Royal.
La Cour écarte l’argument selon lequel l’analyse comparative des offres a été réalisée par l’administration de la Régie Foncière et que le dossier a été introduit par un autre échevin, éléments qui ne sont pas jugés de nature à éviter les conflits d’intérêts rendus possibles par la présence des membres de Brussels Expo aux différentes étapes de la prise de décision.
La Cour rejette également l’argument pris de la mise en balance des intérêts en présence avancé par la Ville de Bruxelles et Brussels Expo.
Pour la Cour, les éventuelles difficultés que poserait l’accueil des demandes sont dues au propre fait de la Ville de Bruxelles. La Cour estime qu’outre les irrégularités qui entachent la procédure et la décision d’attribution de la concession, le comportement de la Ville est largement à l’origine de ces difficultés et du préjudice invoqué La Cour pointe le fait que la Ville avait mis fin à la convention de concession la liant au Botanique par une première décision du 6 novembre 2014 et ensuite le 7 septembre 2015 , qu’elle attendu le 27 juin 2016 pour lancer une procédure d’attribution de la concession de service et enfin que les parties se sont empressées de signer la convention à l’issue d’une réunion du Conseil communal sans respecter le moindre délai. La Cour conclut que la Ville de Bruxelles et Brussels Expo ne sont dès lors pas légitimes à se prévaloir devant elle des conséquences négatives de leur propre comportement.
La suspension est prononcée jusqu’à ce que le Juge du fond, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles, se soit prononcé sur la demande d’absence d’effets et/ou d’annulation de la convention.
Un recours en annulation au Conseil d’Etat est également pendant contre la délibération du Conseil communal de la Ville de Bruxelles du 26 juin 2016 attribuant la concession.